IA : "L'Europe, c'est la stratégie du bonsaï"
Solveig Godeluck
Mar 19, 2024
L'excellence technologique de Mistral AI ne signifie pas que l'Europe va rattraper son retard sur les Etats-Unis et la Chine en matière d'intelligence artificielle, estime Olivier Coste, consultant en IA. En Europe, dit-il, la prise de risque n'est pas assez rentable.
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Olivier Coste, ancien dirigeant d'Alcatel et d'Atos, est un entrepreneur de la tech. Cet X-Mines passé par le cabinet de Lionel Jospin à Matignon a créé une activité de télévision mobile par satellite pour Alcatel, puis une start-up de vidéo chat pour l'e-commerce. Consultant en IA, il a publié « L'Europe, la Tech et la Guerre. Les faiblesses de l'Europe en Tech ».
Une start-up française, Mistral AI, assure qu'on peut faire mieux avec moins de moyens dans l'intelligence artificielle. Cocorico ?
Je suis très optimiste sur Mistral, car leurs algorithmes sont excellents. Mais cela sera difficile d'en faire un champion, car les algorithmes ne sont que le premier des trois piliers de l'intelligence artificielle.
Le deuxième pilier, ce sont les données. Or tous les mails, messages WhatsApp, tout ce qui se publie chaque jour en ligne est chez Google, Microsoft, Meta, Amazon, Alibaba ou Tencent, pas en Europe.
Troisième pilier, la capacité de calcul. Il faut des data centers dédiés, construits avec les puces GPU de Nvidia les plus récentes. Il semble que l'Europe soit très faible sur ces infrastructures de calcul.
Nous avons pourtant des data centers et des grands groupes technologiques : SAP, Atos, Nokia, Ericsson, Capgemini…
Le principal fabricant de puces d'IA, Nvidia, va probablement atteindre 75 à 80 milliards de chiffre d'affaires dans l'équipement des data centers en 2024. Il faut doubler ce montant pour avoir une idée de l'investissement total de ses clients en IA. Autrement dit, le monde va dépenser au moins 150 milliards de dollars dans l'IA en 2024.
J'estime que les géants américains vont mettre une centaine de milliards. Meta a par exemple annoncé 37 milliards d'investissements en IA en 2024. Mais en mettant bout à bout les montants levés par les européens Mistral, Aleph Alpha, Scaleway, Helsing, ainsi que les budgets prévus par les grands groupes, on arrive à un peu plus de 2 milliards d'investissements en IA. Ça ne fait pas le poids.
Les « sept magnifiques » raflent tout dans l'intelligence artificielle. L'Europe peut-elle jouer un rôle avec ses start-up et ses licornes ?
L'Europe, c'est la stratégie du bonsaï. Nous sommes de bons jardiniers, très forts pour développer de jeunes pousses - Bpifrance, la French Tech jouent un rôle remarquable. Mais ensuite, nous les empêchons de croître. A partir de 1.000 à 5.000 ingénieurs, c'est-à-dire 10.000 à 20.000 employés, nous ne permettons plus aux entreprises de prendre des risques, parce que les coûts de licenciement deviennent très élevés. Elles n'ont plus droit à l'erreur.
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